Seizième question :
DÉCRET ABSOLU ET ÉLECTION RÉVÉLÉE
La volonté de Dieu de sauver les croyants persévérants et de condamner les incrédules est-elle tout le décret de la réprobation ? Nous nions contre les Remonstrants.
I. Parmi les diverses erreurs avec lesquelles les Remonstrants ont corrompu la doctrine de la prédestination, le principal est celui par lequel ils maintiennent que la volonté de Dieu de sauver les croyants persévérants et de maudire l’incrédulité finale est le décret entier de la prédestination. C’est ainsi qu’ils parlent dans les Actes synodiques : « La volonté péremptoire de Dieu révélée dans l’évangile concernant le salut et la destruction des hommes, est le décret total et entier de la prédestination. La volonté de sauver ceux qui persévèrent ou meurent dans la foi, et de quitter sous la colère les impénitents et les incrédules, est la volonté de Dieu concernant le salut et la destruction des hommes exposés dans l’évangile » ( ? Acta Synodi Nationalis… Dordrechti[1619-20], 2:17-18). Puisqu’ils ont donc l’habitude de cacher le poison de leur doctrine malsaine sous des paroles malsaines, il convient de leur ouvrir l’esprit en quelques mots afin qu’il puisse apparaître jusqu’où ils s’éloignent de la vérité donnée dans la parole de Dieu, même sur ce sujet.
1) Énoncé de la question.
II. Ce n’est cependant pas difficile à comprendre si l’on considère dans quel but ils tiennent ce décret général et indéfini (à savoir, pour enseigner non pas ce que Dieu a décrété concernant les individus, mais ce qu’il a déterminé sur les qualités de ceux qui sont à sauver et à damner, en choisissant parmi toutes les conditions possibles la foi comme condition du salut). Bien que nous ne nions pas que cet ordre ait été établi par Dieu, cette foi devrait être le moyen de salut, mais nous nions que la prédestination y soit placée (encore moins que son décret total et entier soit inclus dans cette constitution).
III. Les raisons en sont les suivantes : (1) La prédestination, selon l’usage biblique, respecte toujours les individus, les séparant dans la masse commune du péché et les destinant à la vie, à la mort : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » (Mt 20,16) ; « Celui qu’il a connu d’avance, il l’a aussi prédestiné » (Rm 8,29.30 ; 9,16.18) ; « Tous ceux qui ont été ordonnés à la vie éternelle, croient » (Ac 13,48). Il n’y a nulle part où il n’est fait référence qu’aux qualités. Mais leur volonté n’est occupée de qualités sur les personnes que de façon fortuite et à terme et cela aussi en raison de qualités sans distinction ou séparation des individus. Elle indique en effet quel genre de personnes Dieu a décidé de sauver, mais pas qui en particulier il a décrété de sauver ou de damner ; puisqu’en fait ce décret indéfini ne prédestine et ne sélectionne personne en particulier, n’inscrit personne dans le livre de la vie, et (il est debout) il peut arriver que personne ne soit condamné ou que personne ne soit sauvé. Ainsi il y aurait un Sauveur sans aucun à sauver et une tête sans membres.
IV. (2) La prédestination, telle qu’elle nous est présentée dans l’Écriture, est la volonté efficace de Dieu, produisant efficacement les moyens de l’élection chez les élus et apportant aussi infailliblement la fin (c’est-à-dire le salut). Et par la réprobation, elle permet certaines choses, en affecte d’autres par un jugement juste et inflige infailliblement la damnation au réprouvé (Rom. 8:29, 30 ; 9:11, 18, 22, 23 ; 11:7 ; Ep. 1:4, 5). Mais leur volonté est inopérante (aergos) et inoccupée (suspendue sur le libre arbitre humain mutable – de la question la plus incertaine).
V. (3) Comme prouvé précédemment, la prédestination précède la foi et la persévérance (comme cause de son effet) et l’incrédulité (comme antécédent, son conséquence). Mais les croyants et les incroyants (qui seront sauvés ou damnés par leur volonté) sont compris comme tels par les adversaires. Ce n’est rien d’autre que de pervertir la série des causes du salut et de faire post-destination de la prédestination.
2) Sources de salut.
VI. Le Christ et ses apôtres ont annoncé toute la volonté de Dieu concernant le salut des hommes (autant qu’il nous concerne de savoir, Actes 20:27), alors qu’ils nous ont révélé le plus pleinement la méthode pour obtenir le salut par Christ et ses conditions. Mais ceux qu’il a voulu élire de l’éternité et auxquels il veut donner la foi (car elle appartient au conseil secret de Dieu, et non à sa volonté révélée, qui est l’objet de la prédication évangélique), n’est-il pas merveilleux qu’elle reste cachée avec Dieu et ne nous soit manifestée que par l’événement ? En effet, bien que ceux qui doivent être sauvés ne soient pas nommément mentionnés dans l’évangile, Dieu a voulu qu’il soit suffisamment prévu pour la consolation des croyants (en donnant dans sa parole les caractéristiques et les marques d’une véritable élection dont ils puissent avoir l’assurance de leur propre élection).
VII. Le décret absolu concernant le salut des individus n’empêche pas que les conditions de son obtention soient judicieusement prescrites aux hommes. En effet, Dieu a décrété le salut de manière absolue et antécédente, sans égard à aucune cause antérieure, mais pas en conséquence et sans moyens (mais à obtenir par des moyens). Il n’est pas non plus plus absurde (la volonté péremptoire de sauver quelqu’un qui a été couché) de lui ordonner quelque chose pour l’obtenir (même sous la menace du mal contraire) qu’il était absurde de prescrire l’usage de nourriture à Ezéchias (même si la prolongation de sa vie avait été décrétée par Dieu) et pour Paul d’empêcher ceux qui étaient dans le navire de sortir sous le péril du naufrage (Ac 27, 31), même si par révélation divine la conservation de tout était rendue certaine. Car la certitude de la fin n’exclut pas la nécessité et l’utilisation de moyens.
VIII. Il n’y a pas de contradiction entre le décret absolu de l’élection (qui concerne quelques-uns) et la volonté révélée (qui offre le salut sans distinction à tous par la foi en Christ). L’offre de salut (faite par l’évangile) n’est pas faite absolument, mais conditionnellement (sous la condition de la foi et de la repentance). Bien que ces deux choses soient différentes l’une de l’autre (offrir le salut indistinctement à tous sous la condition de la foi et absolument décréter le salut et la foi à quelques-uns), elles ne peuvent être considérées comme contradictoires car elles ne se réfèrent pas à la même chose et ne doivent pas être comprises dans le même sens. L’un se rapporte à la volonté d’approbation révélée, l’autre à la volonté décrétoire secrète.
IX. Bien que l’hypothétique promesse concernant le don du salut à tous les croyants soit proposée sans distinction à tous les appelés, il ne s’ensuit pas qu’elle découle du décret général concernant le salut de tous les croyants et le choix de la foi parmi toutes les conditions possibles pour être la condition du salut à communiquer (qui précède le décret spécial concernant le salut des individus comme nos adversaires le soutiennent). Puisqu’il s’agit d’un décret concernant les moyens de salut, il doit nécessairement être subordonné au décret concernant le salut (qui a le rapport de fin). Ainsi, Dieu ne doit pas être conçu comme ayant pensé à désigner la foi comme moyen de salut avant de penser à ceux à qui il a voulu donner le salut (pour leur conférer le salut, il a choisi les moyens nécessaires et parmi d’autres, la foi). Car ce lien entre la foi et le salut est d’une vérité immuable. C’est pourquoi il est proposé sans distinction à tous les appelés (bien que, selon le conseil de Dieu, il ne s’accomplisse quant à l’événement que dans les élus auxquels il a décidé de donner la foi).
Turretin.