ONZIÈME QUESTION : LA VERSION AUTHENTIQUE
La version hébraïque de l’Ancien Testament et la version grecque du Nouveau Testament sont-elles les seules versions authentiques ? Nous affirmons contre les papistes
I. Parmi les versions des Écritures, certaines sont prōtotypoi ou archetypoi (« original » et « primaire ») que les auteurs eux-mêmes ont utilisées. D’autres sont des ektypoi (ou « secondaires »), c’est-à-dire des versions qui en découlent dans d’autres langues. Tous admettent que l’hébreu de l’Ancien et le grec du Nouveau Testament sont l’original et le primitif. Mais nous et les papistes contestons l’authenticité de chacune d’entre elles, le fait qu’elle mérite la foi et l’autorité et la norme à laquelle toutes les versions doivent être appliquées.
1.L’opinion des papistes.
II. Certains papistes peuvent être plus favorables aux sources, affirmant leur pureté (comme nous l’avons déjà vu), leur attribuant l’authenticité comme conséquence de la pureté et soutenant que toutes les versions et même la Vulgate doivent être mentionnées et peuvent être corrigées par elles : comme Sixtus Senensis (Bibliotheca sancta 8, haer. 2[1575], 2:314-19) ; Driedo (« De ecclesiasticis scripturis et dogmatibus », 2 dans Opera[1572], 1:23-62) ; Andradius (Defensio tridentinae fidei catholicae 2[1580], pp. 167-460) et autres. Pourtant, beaucoup leur sont plus hostiles, soutenant qu’il n’y a aucune certitude dans le texte hébreu que nous ne devrions pas nous référer aux sources dans les controverses de foi, ni corriger la version de la Vulgate par elles : comme Stapleton (« De Principiis fidei doctrinalibus controversia, » Cont. 5, Q. 3, art. 1 dans Opera[1620], 1:771-74) ; Cano (« De Locis Theologicis », 2.11 et 2.13 dans Opera[1605], pp. 65-85, 90-100) ; Lindanus et autres qui défendent la corruption des sources. Cet avis est né d’un décret du Concile de Trente, session 4, qui dit que » la Vulgate latine doit être considérée comme authentique dans la lecture publique, la contestation, la prédication et les expositions, afin que personne n’ose la rejeter sous aucun prétexte » (Schroeder, pp. 18, 297). Un certain nombre de papistes (honteux de ce décret) s’efforcent d’y attacher un sens différent, comme si le Concile n’avait rien décrété contre l’authenticité des originaux, ni préféré la Vulgate aux sources, mais avait choisi une seule version latine circulant alors comme meilleure que les autres (Bellarmin, VD 2.10, pp. 75-77). C’est aussi l’opinion d’Andradius, Salmeron, Serarius et d’autres. Mais Bannes s’exclame à juste titre contre cela comme une distorsion du décret synodal et les mots mêmes du décret le montrent clairement. Car si elle doit être considérée comme authentique, afin que personne n’ose la rejeter sous aucun prétexte, n’est-elle pas mise sur un pied d’égalité avec les sources elles-mêmes, et même élevée au-dessus d’elles ? Et même si elle s’écarte des sources, elle ne doit pas être corrigée par elles, mais plutôt par elles. C’est pourquoi Mariana se plaint qu’après cette promulgation du Concile de Trente, « le Grec et l’Hébreu sont tombés d’un coup » (de V.V., p. 99+). Notre opinion est que l’hébreu de l’Ancien et le grec du Nouveau Testament ont toujours été et sont encore les seules versions authentiques par lesquelles toutes les controverses de foi et de religion (et toutes les versions) doivent être approuvées et testées.
2.Qu’est-ce qu’une écriture authentique ?
III. Une écriture authentique est une écriture dans laquelle tout est abondamment suffisant pour inspirer confiance ; une écriture à laquelle on doit le plus grand crédit en son genre ; une écriture dont on peut être tout à fait sûr qu’elle vient de l’auteur dont elle porte le nom ; une écriture dans laquelle tout est écrit comme il l’a voulu. Cependant, un écrit peut être authentique de deux façons : soit principalement et à l’origine, soit secondaire et dérivée. Cette écriture est avant tout authentique, c’est-à-dire autopiston (« de confiance en soi ») et à laquelle il faut et doit être attribué le mérite pour son propre compte. Ainsi, les originaux des édits royaux, des décrets de magistrats, des testaments, des contrats et des autographes d’auteurs font foi. Les écrits secondaires authentiques sont toutes les copies exactes et fidèlement tirées des originaux par des hommes compétents, tels que les scribes désignés à cet effet par l’autorité publique (pour les édits des rois et autres documents publics) et tous les scribes et copistes honnêtes et attentifs (pour les livres et autres écrits). Les autographes de Moïse, des prophètes et des apôtres sont seuls authentiques au premier sens. Dans ce dernier sens, les copies fidèles et exactes de ces documents sont également authentiques.
IV. Encore une fois, l’autorité d’une écriture authentique est double : l’une est fondée sur les choses elles-mêmes dont elle traite et a des relations avec les hommes à qui elle s’adresse ; l’autre s’occupe du traité lui-même et de l’écriture et fait référence aux copies et traductions qui en sont faites. Par-dessus tout, cette loi permet d’obtenir qu’il soit fait référence à l’écriture authentique et, si elle s’en écarte, qu’elle soit corrigée et modifiée. La première autorité peut être plus ou moins grande selon l’autorité de celui d’où provient l’écrit et en proportion du pouvoir qu’il a sur les personnes auxquelles il s’adresse. Mais dans les Saintes Écritures, cette autorité est la plus élevée, telle qu’elle ne peut l’être dans aucune autre écriture, puisque nous sommes tenus de croire en Dieu pour le pouvoir suprême qu’il a sur les hommes comme sur toutes les autres choses, et pour la vérité et la sagesse qui le distinguent, et d’obéir en toutes choses que sa parole la plus sacrée (contenue dans l’Écriture authentique) enjoint à croire ou pratiquer. Mais cette dernière consiste en ce que les autographes ainsi que les copies exactes et fidèles peuvent être la norme de tous les autres exemplaires du même écrit et de ses traductions. Si l’on y trouve quelque chose de différent des écrits authentiques, qu’il s’agisse d’autographes ou d’apographes, il est indigne du nom authentique et doit être rejeté comme fallacieux et adultéré, la discordance elle-même étant une raison suffisante pour son rejet. De l’ancienne autorité, nous avons parlé dans la quatrième question, « De la Divinité des Écritures. » Nous allons maintenant traiter de l’autre qui se produit dans la version authentique.
V. Enfin, l’authenticité peut être considérée de deux manières : soit matériellement en ce qui concerne les choses annoncées, soit formellement en ce qui concerne les paroles et le mode de l’annonce. Nous ne parlons pas ici d’authenticité dans le premier sens car nous ne le nions pas aux versions qui sont d’accord avec les sources, mais seulement dans le second qui appartient aux seules sources.
3.L’hébreu de l’Ancien et le grec du Nouveau Testament sont les seules éditions authentiques.
VI. Les raisons en sont les suivantes : (1) parce que les sources seules sont inspirées de Dieu à la fois en ce qui concerne les choses et les paroles (2* Tim. 3:16) ; donc elles seules peuvent être authentiques. Car tout ce que les hommes de Dieu ont écrit, ils l’ont écrit sous l’influence du Saint-Esprit (2 P 1, 21), qui, pour les garder de l’erreur, a dicté non seulement la matière mais aussi les paroles, qui ne peuvent être dites d’aucune version. (2) Ils sont la norme et la règle à laquelle toutes les versions doivent être appliquées, tout comme la copie (éktypon) doit répondre au motif (archétypon) et le flux doit être distingué de sa source. C’est ici que se trouve le canon de Gratien : « De même que la foi des livres anciens doit être éprouvée par les volumes hébreux, de même la vérité des nouveaux livres a besoin de l’écriture grecque pour sa règle » (« Decreti, Pt. I, » Dist. 9*.6 in Corpus luris Canonici[ed. A. Friedberg, 1955], 1:17). Jérôme est plein à ce sujet pour défendre l’autorité du texte hébreu en tant que fontaine à laquelle tous les courants des versions doivent être tracés et corrigés par lui (Lettre 26[102], « Ad Marcellam »[PL 22.430-31] ; Lettre 72, « Ad Vitalem »[PL 22.673-76] ; Lettre 106, « Ad Suniam et Fretellam »[PL 22.837-67]). (3) Ces éditions ont été authentiques dès le début et ont toujours été considérées comme telles par l’Eglise juive et chrétienne plusieurs siècles après le Christ. Il n’y a pas non plus de raison pour laquelle ils devraient maintenant cesser d’être authentiques. Quant à l’argument de la corruption (en plus de prendre pour acquis la chose à prouver), nous y avons déjà répondu.
VII. (4) Si l’édition hébraïque de l’Ancien Testament et l’édition grecque du Nouveau Testament ne sont pas authentiques (authentias), il n’y aurait pas de version authentique, puisqu’aucune d’elles n’a en outre un témoignage divin de sa propre authenticité. Ainsi il n’y aurait pas de parole authentique de Dieu dans l’église, pas de fin aux disputes parce qu’il n’y aurait pas de règle sûre de foi et de pratique dans laquelle nous pourrions avoir pleine confiance. Et les Écritures, comme un nez de cire ou la règle lesbienne, pouvaient être tournées à volonté de n’importe quelle façon. (5) Nos opposants reconnaissent que dans certains cas, il est juste d’avoir recours aux sources. Bellarmine affirme : (a) » lorsque dans les manuscrits latins apparaît une erreur des copistes ; (b) lorsqu’ils ont des lectures diverses et qu’il y a une incertitude quant à la vérité ; (c) lorsqu’il y a ambiguïté dans les mots ou les choses ; (d) lorsque la force (energeia) et la signification des mots ne sont pas pleinement exprimées « (VD 2.11, p. 78). Or, cela ne pourrait pas être fait si les sources n’étaient pas authentiques. Arias Montanus montre par diverses considérations que les erreurs des versions ne pouvaient être corrigées que par la vérité du langage primitif (« Praefatio », Biblia sacra Hebraice, Chaldaice, Graece et Latine[1572], vol. 1). Vives pense que les sources devraient certainement et incontestablement être sollicitées (Saint Augustin, de la Cité de Dieu… avec les commentaires de Lodovicus Vives 14.8[1620], p. 480). Salmeron, Bonfrerius, Masius, Muis, Jansen, avec leurs disciples et les autres, sont du même avis.
4.Sources d’explication.
VIII. Les différentes lectures qui se produisent ne détruisent pas l’authenticité des Écritures parce qu’elles peuvent être facilement distinguées et déterminées, en partie par le lien du passage et en partie par un assemblage avec de meilleurs manuscrits. Certains sont d’une telle nature que, bien que divers, ils peuvent néanmoins appartenir au même texte.
IX. Bien que diverses controverses puissent provenir de sources hébraïques et grecques, il ne s’ensuit pas pour autant qu’elles ne puissent être authentiques. S’il s’agissait de l’affaire, il n’y aurait pas du tout d’édition authentique à consulter, puisque chaque langue fournira suffisamment de matière à controverse aux personnes en litige. Là encore, ce n’est pas la faute des sources, mais de ceux qui en abusent, soit en ne comprenant pas, soit en déformant les mots pour les adapter à leurs propres fins et en s’y conformant avec pertinence.
X. Il n’y a pas de vérité dans l’affirmation selon laquelle l’édition hébraïque de l’Ancien Testament et l’édition grecque du Nouveau Testament seraient mutilées, et les arguments utilisés par nos adversaires ne peuvent le prouver. Pas dans l’histoire de la femme adultère (Jean 8.1-11), car bien qu’elle manque dans la version syriaque, elle se trouve dans tous les manuscrits grecs. Pas dans 1 Jean 5.7, car si certains le remettent en question et les hérétiques le font maintenant, tous les exemplaires grecs l’ont, comme le reconnaît Sixtus Senensis : « elles ont été les paroles d’une vérité sans doute indubitable, et contenues dans toutes les copies grecques depuis l’époque même des apôtres » (Bibliotheca sancta[1575], 2:298). Ni dans Mc 16 qui aurait pu manquer en plusieurs exemplaires au temps de Jérôme (comme il l’affirme) ; mais maintenant cela se produit en tout, même dans la version syriaque, et est clairement nécessaire pour compléter l’histoire de la résurrection du Christ.
XI. Pour affaiblir l’authenticité (authentique) de l’édition hébraïque, nos adversaires ont recours à la « nouveauté des points » (en vain, comme si la ponctuation n’était qu’une invention humaine conçue par les Masoretes et donc fondée sur l’autorité humaine, non sur une autorité divine et infaillible ; et qu’elle peut être modifiée à volonté sans risque et laisser ainsi toujours le sens d’un passage incertain et douteux). Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette question. (1) Bellarmine est d’accord avec nous ici « les erreurs qui découlent des points de ponctuations n’interfèrent pas avec la vérité parce qu’elles viennent de l’extérieur et ne changent pas le texte » (VD 2.2, p. 65). (2) Sur cette hypothèse, non seulement tombe la certitude du texte original, mais aussi celle de la Vulgate qui a été tirée de cette source (à moins que l’on puisse prouver que le premier auteur de cette version – qu’il soit Jérôme ou un autre – ait reçu une révélation des paroles nécessaires directement de l’Esprit qui, si cela ne se produisait pas, il serait certain de l’avoir reçue dans la tradition des Juifs ; si cela était incertain, l’autorité entière du texte sacré chancellerait).
XII. (3) Même si les points de ponctuations ont été ajoutés récemment (car ils maintiennent qui retracent leur origine aux Masoretes de Tibériade), il ne s’ensuivrait pas que la ponctuation était une invention purement humaine, dépendant uniquement de la volonté humaine (ce qui, si elle était établie, affaiblirait grandement l’authenticité du manuscrit hébraïque ; parce que les points, du moins selon ceux qui ont cette opinion, ne sont pas censés avoir été soulevés au bon vouloir des rabbins, mais selon l’analogie de l’Écriture, le génie de la langue sacrée et le sens établi par l’usage chez les Juifs). Car si (selon cette dernière hypothèse) les points n’ont peut-être pas été dès le début quant à la forme, on ne peut nier qu’ils l’ont toujours été quant au son et à la valeur ou au pouvoir. Autrement, puisque les voyelles sont les âmes des consonnes, un sens douteux (et en fait aucun sens du tout) surgit constamment des mots, à moins qu’ils ne soient coévalués avec les consonnes. Prideaux observe bien, « Nul ne niera que les points et les accents ont été dès le début quant au son et à la valeur, mais seulement quant aux marques et aux caractères » (Lectio 12, « De Punctorum Hebraicorum origine, » in Viginti-duae Lectiones[1648], pp. 195, 197). Et peu de temps après, « les voyelles étaient coévaluées avec les consonnes de la puissance sonore et subjective, bien que les marques et les signes n’aient peut-être pas été alors connus » (ibid., p. 197). En effet, on ne peut guère douter que les voyelles étaient représentées, sinon par leur forme actuelle, mais par quelques marques à la place de points (à savoir, par les lettres « vy, comme certains le pensent) qui d’ailleurs sont appelées matres lectionis, afin que le sens certain et constant de l’Esprit Saint puisse être recueilli (autrement il dépendrait de la simple tradition, et les règlements et la mémoire des hommes pourraient facilement être oubliés et corrompus). Telle est l’opinion du très savant Walton : « Par l’usage, et selon la tradition, à l’aide des trois lettres’vy, appelées matres lectionis, et debout à la place des voyelles avant l’invention des points, la véritable lecture et prononciation ont été préservées » (« De Textuum originariorum integritate et auctoritate, »[Prolegomena, 7] in Biblia Sacra Polyglotta[1657], 1:44).
XIII. (4) Les adversaires tiennent pour acquis ce qu’il faut prouver, à savoir qu’il s’agit d’une invention humaine et récente, au contraire de ce que les Juifs ont affirmé avec une grande unanimité jusqu’à présent (à l’exception d’Eli, un Lévite, qui a vécu il y a cent ans). Sur leurs traces suivent de nombreux hommes célèbres, grammairiens ainsi que théologiens, protestants et papistes : Junius, Illyricus, Reuchlin, Munster, Cevalerius, Pagninus, M. Marinus, Polanus, Diodati, Broughton, Muis, Taylor, Bootius, Lightfoot, la grande majorité des théologiens modernes, et les Buxtorfs, qui ici disent tout avant eux – le père dans ses Tiberias, sive commentarius Masorethicus triplex (1665), et le fils dans ce travail très lourd (Anticritica : seu vindiciae veritatis Hebraicae[1653]) dans laquelle il a opposé la ponctuation Arcanii de L. Cappelli vindiciae adversus Joh. Buxtorfii (dans Louis Cappel’s, Commentarii et notae criticae in Vetus Testamentum[1689], pp. 795-979). Il ne serait pas non plus difficile d’établir cette opinion par divers arguments, le cas échéant ici. Mais comme cette question semble plutôt grammaticale que théologique, nous ne voulons pas l’aborder dans notre domaine. Permettez-nous de dire brièvement que nous avons toujours pensé que le moyen le plus sûr et le plus certain de garder l’authenticité (authentique) du texte original sain et sauf contre les cavités de toutes les personnes profanes et hérétiques et de mettre le principe de la foi sur une base sûre et immuable, est celui qui détient les points pour être d’origine divine, si elles se réfèrent à Moïse ou à Ezra (la tête de la grande synagogue). Par conséquent, les adversaires se trompent en voulant contester l’autorité du manuscrit hébreu à cause de la nouveauté des points.
Turretin.